Son@rt n°43 (extrait)

Haroldo de Campos

Extrait de Galaxias

Cette lecture d'un extrait de Galaxias par Haroldo de Campos (Sao Paulo, 1929 - Sao Paulo, 2003) a eu lieu à la Maison de l'Amérique latine à Paris le 13 novembre 1995. Galaxias, Galaxies, est son oeuvre majeure, son testament littéraire. Ce texte, commencé en 1963, a été terminé en 1976, soit 13 ans de rédaction. Les premiers fragments ont été publiés au Brésil dans la revue Invençao en 1964 et en français dans la revue Change en 1970, avec une traduction de Jean-François Bory. La publication du livre au Brésil date de 1984 et sa traduction française à la Main Courante date de 1998. Le projet initial était celui d'un récit qui "se réduit à une fascination du récit qui n'arrive jamais". Et chaque page a un thème. Galaxies, parce que c'est une écriture galactique. "C'est l'idée des étoiles qui se changent, se développent à l'infini". La page lue ici est celle qu'a mise en musique Caetano Veloso. Nous avons transcrit ici la présentation en français qu'Haroldo de Campos fait de sa lecture :

"J'ai choisi de vous lire ce soir un fragment de mon livre, un long poème qui s'appelle Galaxies, qui est composé de 50 fragments d'un chant, un livre qui relève du baroque, du néo-baroque brésilien, un texte rhapsodique qui reste à mi-chemin de la poésie et de la prose, qui est peut-être plutôt épiphanique qu'épique. Le fragment que j'ai choisi est inspiré d'une chanson populaire brésilienne que j'ai entendue dans le Nordeste du Brésil, chantée par un médium dans une foire populaire qui avait improvisé un instrument très rudimentaire qui sonnait comme de la musique électronique. Et en plus, le texte qu'il chantait, c'était un texte très beau, avec des jeux de mots, avec des métaphores éblouissantes, et alors j'ai été inspiré par le rythme de ce chant-là, qui est appelé en portugais "martelo agalopado" selon une technique pareille aux duels entre les troubadours provençaux. C'est-à-dire qu'il y a des chansonniers au Nordeste du Brésil qui font des duels poétiques, et il y avait au Brésil, avant que je n'aie écrit ce texte-là, des gens idéologiques, aujourd'hui on dirait politiquement corrects, qui pensaient que ce type de musique-là, c'était une chose formaliste, pas avec une conscience du peuple, et qu'on devrait, au lieu d'appuyer ce type de productions-là, on devrait essayer de rectifier, d'apporter une correction idéologique à ces textes qui n'avaient pas un sens vraiment engagé. Alors ce texte s'oppose à cette vision-là, mon texte se souvient de Maïakovski qui disait, dans un très beau poème, La masse ne comprendra pas, que "le peuple est l'inventeur des langues". Et alors le texte prend le parti du chansonnier populaire et se refuse d'avoir un maître à penser, d'avoir un précepteur, d'être guidé. Sur ce texte-là, le grand chansonnier brésilien Caetano Veloso a composé une très belle musique appelée "Circuladô", parce que le commencement du texte du médium populaire, c'est exactement "un cercle de fleurs". Mais avec une déformation orale, "circuladô de fulô". Alors Caetano a écrit une très belle chanson en prenant des fragments de mon texte, et cette chanson s'appelle exactement "Circuladô", et le titre du CD est "Circuladô". C'est pour cela que j'ai invité le musicien du Sénégal qui joue du berimbau qui est un instrument du Nordeste qui rappelle un peu la sonorité du shamisen, qui est un instrument oriental, que produisait cet instrument rudimentaire inventé par ces chansonniers-là".

Retour